jeudi 21 janvier 2016

Les animaux et les plantes souffrent aussi de l’hiver trop doux

Marie-Josée Cougard / Journaliste | Le 20/01/2016


Les animaux autant que les plantes doivent s’adapter aux conséquences du réchauffement climatique. Des pans entiers de l’économie agricole sont à repenser.


Le réchauffement climatique ne se limite pas à des gains de températures. C’est aussi beaucoup de changements brusques de météo et d’excès climatiques en tous genres, qui bousculent l’élevage et les récoltes. Une vache qui a trop chaud mange moins. Et si elle mange moins, elle produit moins de lait. « Au-delà de 20 à 25 degrés, on voit le rendement des Holstein baisser. Ces animaux ont un métabolisme très fort, qui fait qu’elles ont déjà naturellement du mal à se refroidir », explique Jean-François Soussana, directeur scientifique chargé de l’environnement à l’Institut national de recherche agronomique (Inra).
Les éleveurs n’ont pas attendu le réchauffement climatique pour constater la baisse du rendement laitier l’été. Mais c’est devenu un problème sur lequel les scientifiques, parmi lesquels les chercheurs de l’Inra, planchent très sérieusement. Même si la hausse des températures a plus d’un siècle. « Depuis 1900, le thermomètre est monté de 1 à 1,5 degré en France », explique Jean-François Soussana.

Des récoltes aberrantes

 

Au-delà du réchauffement, c’est la variabilité climatique induite qui inquiète les agronomes en raison de son impact économique sur l’agriculture. Marqué par la canicule et l’extrême sécheresse, l’été 2003 a été remarquable de ce point de vue. « Cet été-là, on a vu les normales saisonnières grimper de 10 degrés. Résultat : les rendements ont chuté de 20 % en grandes cultures et de 30 % pour les fruits, provoquant des dégâts économiques considérables », se rappelle Jean-François Soussana.
L’histoire est jalonnée d’exemples de ce type, objectent les climato-sceptiques. Sans doute. Pourtant, selon Jean-Claude Soussana, on est en présence d’autres manifestations. « Sans réchauffement climatique, la probabilité de l’été 2003 aurait été infime. » En 2011, les nappes phréatiques sont tombées à un niveau très bas. En 2015, c’est la douceur extrême et prolongée qui a provoqué des récoltes aberrantes en termes de calendrier comme celles des choux-fleurs bretons, arrivés sur un marché encombré par les choux-fleurs allemands, qui ne sont normalement plus de saison. 

Prolifération d’insectes 

 

Dans le Gard, cette année, les pépiniéristes s’inquiètent de voir que les arbres n’ont pas perdu leurs feuilles. Une étape indispensable au redémarrage du cycle de la végétation au printemps. De même pour les fruits. « Chaque arbre fruitier a besoin de plusieurs centaines d’heures à moins de 7 degrés, faute de quoi les floraisons trop longues avortent », souligne un producteur des Yvelines. Pour les fraises, il faut 1.000 heures de froid. Les maraîchers, eux, redoutent de passer d’une période de surproduction à une période « sans », qui conduira immanquablement à une pénurie et à la flambée des prix.
A ce type de désordre, il faut ajouter celui des insectes qui, faute de froid hivernal, prolifèrent. Les anomalies climatiques modifient aussi les achats des consommateurs, qui dédaignent les légumes d’hiver en période de grande douceur. Les températures aberrantes rendent aussi les pratiques d’irrigation de plus en plus critiques, amenant de plus en plus souvent les préfets à prendre des arrêtés pour les limiter. C’est le cas dans le Sud-Ouest. Les céréales en général souffrent de l’échaudage, responsables d’une récolte de grains ridés et de faible poids, qui ne conviennent guère à la panification. 

Les limites de la recherche génétique

 

La génétique est un axe important de recherche pour augmenter la résistance au stress hydrique. « Mais, dans tous les cas, on a du mal à élaborer un schéma génétique qui soit un bon compromis entre le rendement et la résistance à la chaleur », fait valoir Jean-François Soussana. Dans le cas du maïs, les chercheurs estiment pouvoir encore gagner en rendement. « Pour le blé, c’est plus compliqué. Et si les rendements plafonnent, c’est pour des raisons climatiques ». Au niveau mondial, les rendements en blé ont diminué de 2 % par décennie depuis les années 1980. 
Les raisins, eux, sont de plus en plus souvent récoltés en avance, à des moments où les températures sont trop élevées, obligeant les viticulteurs à utiliser des bacs de refroidissement pour éviter que les raisins ne fermentent, ou des levures pour limiter le degré alcoolique du vin. « Mais le problème essentiel pour la viticulture tient au fait que tout l’édifice économique des AOC repose sur la notion de terroir, et que s’il faut délocaliser les vignes, c’est tout l’édifice qui est remis en cause, jusqu’à devoir modifier les cahiers des charges et la vision des consommateurs », souligne Jean-François Soussana. Quoiqu’il en soit, « il faut s’attendre à une concurrence accrue des pays moins naturellement viticoles que la France, comme l’Allemagne ou l’Angleterre », poursuit le chercheur. 



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