Marie-Josée Cougard / Journaliste |
Le 20/01/2016
Les animaux autant que les plantes doivent s’adapter
aux conséquences du réchauffement climatique. Des pans entiers de l’économie
agricole sont à repenser.
Le réchauffement climatique ne se
limite pas à des gains de températures. C’est aussi beaucoup de
changements brusques de météo et d’excès climatiques en tous genres, qui
bousculent l’élevage et les récoltes. Une vache qui a trop chaud mange
moins. Et si elle mange moins, elle produit moins de lait. « Au-delà
de 20 à 25 degrés, on voit le rendement des Holstein baisser. Ces
animaux ont un métabolisme très fort, qui fait qu’elles ont déjà
naturellement du mal à se refroidir », explique Jean-François
Soussana, directeur scientifique chargé de l’environnement à l’Institut
national de recherche agronomique (Inra).
Les éleveurs n’ont pas attendu
le réchauffement climatique pour constater la baisse du rendement
laitier l’été. Mais c’est devenu un problème sur lequel les
scientifiques, parmi lesquels les chercheurs de l’Inra, planchent très
sérieusement. Même si la hausse des températures a plus d’un siècle. « Depuis 1900, le thermomètre est monté de 1 à 1,5 degré en France », explique Jean-François Soussana.
Des récoltes aberrantes
Au-delà
du réchauffement, c’est la variabilité climatique induite qui inquiète
les agronomes en raison de son impact économique sur l’agriculture.
Marqué par la canicule et l’extrême sécheresse, l’été 2003 a été
remarquable de ce point de vue. « Cet été-là, on a vu les normales
saisonnières grimper de 10 degrés. Résultat : les rendements ont chuté
de 20 % en grandes cultures et de 30 % pour les fruits, provoquant des
dégâts économiques considérables », se rappelle Jean-François Soussana.
L’histoire
est jalonnée d’exemples de ce type, objectent les climato-sceptiques.
Sans doute. Pourtant, selon Jean-Claude Soussana, on est en présence
d’autres manifestations. « Sans réchauffement climatique, la probabilité de l’été 2003 aurait été infime. »
En 2011, les nappes phréatiques sont tombées à un niveau très bas. En
2015, c’est la douceur extrême et prolongée qui a provoqué des récoltes
aberrantes en termes de calendrier comme celles des choux-fleurs
bretons, arrivés sur un marché encombré par les choux-fleurs allemands,
qui ne sont normalement plus de saison.
Prolifération d’insectes
Dans
le Gard, cette année, les pépiniéristes s’inquiètent de voir que les
arbres n’ont pas perdu leurs feuilles. Une étape indispensable au
redémarrage du cycle de la végétation au printemps. De même pour les
fruits. « Chaque arbre fruitier a besoin de plusieurs centaines
d’heures à moins de 7 degrés, faute de quoi les floraisons trop longues
avortent », souligne un producteur des Yvelines. Pour les fraises,
il faut 1.000 heures de froid. Les maraîchers, eux, redoutent de passer
d’une période de surproduction à une période « sans », qui conduira immanquablement à une pénurie et à la flambée des prix.
A
ce type de désordre, il faut ajouter celui des insectes qui, faute de
froid hivernal, prolifèrent. Les anomalies climatiques modifient aussi
les achats des consommateurs, qui dédaignent les légumes d’hiver en
période de grande douceur. Les températures aberrantes rendent aussi les
pratiques d’irrigation de plus en plus critiques, amenant de plus en
plus souvent les préfets à prendre des arrêtés pour les limiter. C’est
le cas dans le Sud-Ouest. Les céréales en général souffrent de
l’échaudage, responsables d’une récolte de grains ridés et de faible
poids, qui ne conviennent guère à la panification.
Les limites de la recherche génétique
La génétique est un axe important de recherche pour augmenter la résistance au stress hydrique. « Mais,
dans tous les cas, on a du mal à élaborer un schéma génétique qui soit
un bon compromis entre le rendement et la résistance à la chaleur », fait valoir Jean-François Soussana. Dans le cas du maïs, les chercheurs estiment pouvoir encore gagner en rendement. « Pour le blé, c’est plus compliqué. Et si les rendements plafonnent, c’est pour des raisons climatiques ». Au niveau mondial, les rendements en blé ont diminué de 2 % par décennie depuis les années 1980.
Les raisins, eux, sont de plus en plus souvent récoltés en avance,
à des moments où les températures sont trop élevées, obligeant les
viticulteurs à utiliser des bacs de refroidissement pour éviter que les
raisins ne fermentent, ou des levures pour limiter le degré alcoolique
du vin. « Mais le problème essentiel pour la viticulture tient au
fait que tout l’édifice économique des AOC repose sur la notion de
terroir, et que s’il faut délocaliser les vignes, c’est tout l’édifice
qui est remis en cause, jusqu’à devoir modifier les cahiers des charges
et la vision des consommateurs », souligne Jean-François Soussana. Quoiqu’il en soit, « il faut s’attendre à une concurrence accrue des pays moins naturellement viticoles que la France, comme l’Allemagne ou l’Angleterre
», poursuit le chercheur.
Source: http://www.lesechos.fr/
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