Publié
le 11/11/2015
Par
Marc Cherki
En dix ans de travaux, l'Inra a
compris quels étaient les gènes responsables des fleurs mâles et
femelles chez les cucurbitacés. Un enjeu important pour améliorer les
rendements des semences de melon et de concombre.
Améliorer les rendements des récoltes est une
préoccupation ancienne des semenciers. Ce qui l'est moins, c'est de
comprendre comment certaines plantes changent de sexe pour augmenter, de
manière naturelle, les rendements des cultures. Un seul gène chez les
cucurbitacées (melon, concombre,
etc.) permet de comprendre comment les fleurs mâles et femelles se
développent sur la même plante. Tel est l'exploit accompli par des
chercheurs de l'Inra
(Institut national de la recherche agronomique) en coopération avec un
laboratoire en pharmacie du CNRS et de l'université René Descartes et
l'université Bar-Ilan en Israël, publié jeudi 6 novembre dans la revue Science.
«C'est la poursuite de nos travaux engagés il y a dix ans. Nous avions
d'abord expliqué comment transformer une fleur femelle d'une
cucurbitacée en hermaphrodite, publié dans Science en 2008. Puis,
comment une fleur mâle devient femelle, accepté par Nature en 2009»,
rappelle Abdelhafid Bendahmane, chercheur à l'Inra à l'université
d'Évry, et principal auteur de la nouvelle publication.
Identifier le gène et le vérifier
Car l'objectif est de faire en sorte que toutes les semences soient femelles, puisque ce seront-elles qui fourniront les fruits comestibles (à de rares exceptions près, comme l'asperge).
Pour arriver à comprendre quel était le gène qui code pour la
fabrication de l'hormone responsable de la pousse des fleurs femelles,
les biologistes ont d'abord croisé des variétés de plantes qui avaient
des fleurs exclusivement mâles et celles qui développaient à la fois des
fleurs mâles et femelles. «En regardant, les descendants de ces
croisements pendant plusieurs mois en serre, et en analysant leur ADN,
nous avons identifié plusieurs gènes qui pouvaient être responsables du
fait que des plants de concombre développaient seulement des fleurs
mâles», explique le professeur Rafael Perl-Treves, de l'université
Bar-Ilan.
Puis l'opération a été recommencée sur des milliers
d'individus et à l'aide d'une cartographie fine, le gène qui permet la
synthèse de l'éthylène (l'hormone végétale) a été identifié. Afin de
s'assurer qu'ils avaient trouvé le bon gène, les chercheurs ont ensuite
«utilisé une méthode de génétique inverse, appelée Tilling»,
ajoute Abdelhafid Bendahmane. De nouveaux croisements ont été répétés en
essayant de trouver dans une base de 10.000 plantes de la même variété
de graines, celles pour laquelle le gène responsable de la production
d'éthylène avait muté, et qui donc ne pouvait pas s'exprimer. Combiné
aux travaux précédents, les chercheurs ont alors pu obtenir de manière
sûre des plants uniquement mâles, femelles ou hermaphrodites.
Améliorer les «rendements des semences dites négligées»
Ces
recherches ont conduit à une demande conjointe de brevet, en 2013,
revendiqué par l'Inra, les chercheurs et Vilmorin (groupe Limagrain).
Elles ouvrent la porte à une amélioration des rendements «pour les
semences dites négligées, selon la FAO. En Inde, par exemple, 16 variétés de cucurbitacées
cultivées pourraient en bénéficier», ajoute le chercheur de l'Inra. Il y
consacre une part des 2,5 millions d'euros des fonds versés par l'ERC
(Conseil européen de la recherche).
Mais ces travaux ne sont pas
terminés. La prochaine étape consistera à étudier les gènes secondaires,
ceux qui jouent un rôle pour réprimer ou au contraire accroître la
production des hormones sexuelles des plantes peu étudiées,
contrairement au maïs ou au blé.
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