jeudi 6 août 2015

Les mystérieuses voies d’implantation de la bactérie Xylella

Loïc Chauveau  Par Loïc Chauveau  Publié le 31-07-2015

 Un deuxième site de contamination de végétaux par la bactérie Xylella a été repéré en Corse (France). C’est une souche différente de celle qui a été détectée en 2013 dans les Pouilles en Italie, épaississant le mystère de la diffusion de ce ravageur des cultures.

 ARBUSTES. C’est dans des haies ornementales constituée de polygales à feuilles de myrte d'un collège et d'un centre  de vacances de Propriano (Corse-du-sud) qu’a été repéré le 30 juillet 2015 la bactérie actuellement la plus redoutée par l’agriculture européenne. C’est la deuxième découverte effectuée en quelques jours, puisque Xylella avait été repérée le 22 juillet sur d’autres arbustes de la même espèce situés dans un centre commercial de la même ville. La Préfecture de Corse du sud a indiqué qu’aucune autre espèce végétale voisine (romarin, oliviers, lauriers) n’était infestée. Tous les polygales présents dans un rayon de 100 mètres ont été abattus et brûlés. Une surveillance accrue va être mise en place 10 km autour du site. Il est désormais interdit d’introduire en Corse plus de 200 espèces végétales sensibles. Les voyageurs en sont informés par l'affichage ci-dessous.

Cette détection est un premier succès pour le programme mis en place au printemps par le Ministère de l’agriculture. Outre les services de protection des végétaux du Ministère, et les fédérations régionales de défense des organismes nuisibles (FREDON), ce réseau mobilise les agents de l’office national des forêts (ONF), du Centre national de la propriété forestière (CNPF), et des techniciens des coopératives agricoles, organismes professionnels et chambres d’agriculture. "En tout, 4000 observateurs sont mobilisés sur Xylella, mais aussi sur tout pathogène émergent" se félicite Emmanuelle Soubeyran, chef du service des actions sanitaires au Ministère de l’Agriculture.

Expliquer l'émergence de Xylella sera difficile

PEPINIERISTES. Dès lundi, une mission d’expertise comprenant des experts en entomologie et en bactériologie de l’Inra et de l’Anses se rendra sur place pour tenter de remonter aux origines de cette infestation. Ce ne sera pas simple. Si l’on sait dès à présent que les plants contaminés proviennent de pépiniéristes installés en Toscane (Italie), ces arbustes ont été plantés en 2010. Comment expliquer cette latence ? Et pourquoi n’y a t’il pas eu une diffusion à d’autres végétaux ? Xylella peut en effet vivre sur plus de 200 espèces végétales de 50 familles botaniques différentes, dont certaines peuvent être des porteurs sains. On y trouve tous les arbres fruitiers, mais aussi les chênes, et des plantes aussi diverses que la luzerne, le navet, une plante invasive comme l’ambroisie ou encore le… géranium. La bactérie se propage par deux vecteurs. L’un est humain avec la commercialisation de greffons potentiellement infectés. L’autre est naturel avec des insectes porteurs comme les cicadelles et les cercopes. Ces insectes piqueurs sucent le xylème des feuilles, le tissu conducteur de la sève, ouvrant la voie à la bactérie.

SOUCHES. Le laboratoire de l’Anses à Angers a apporté une première réponse. Parmi les 5 sous-espèces de Xylella, la souche de la région de Propriano appartient à la sous-espèce multiplex totalement différente de la sous-espèce pauca identifiée dans les Pouilles. Jusqu’à présent, cette région du sud de l’Italie était le seul point d’infestation officiel reconnu en Europe. Le point d’origine de l’arrivée en Corse serait donc différent. La Préfecture de Corse doit publier prochainement la liste des espèces végétales indigènes susceptibles d’être infectées par la souche multiplex. Revenir aux sources sera extrêmement difficile. "Il est vraisemblable que Xylella était présente depuis plusieurs années ce qui complique les recherches pour remonter aux causes de son introduction. Dans les Pouilles, on s’est aperçu de sa présence en 2013 alors que 8000 hectares d’oliviers, de lauriers roses, d’amandiers et de chênes de cette région étaient déjà en train de dépérir" explique Thierry Candresse, virologue à l’Inra et membre du comité scientifique auteur d’un rapport complet sur la bactérie pour le compte de l’agence européenne de sécurité des aliments (EFSA).

Les agriculteurs européens font donc désormais face à un nouveau péril. Xylella est responsable de lourdes pertes sur les vignes de Californie mais aussi sur les citronniers du Brésil. Et nul ne peut prédire comment réagiront les cultures européennes face à une bactérie américaine qui leur est inconnue.

Source:  http://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/20150731.OBS3499/les-mysterieuses-voies-d-implantation-de-la-bacterie-xylella-en-corse.html



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