Des enseignants de l’École supérieure d’agronomie d’El-Harrach estiment
que, dans un contexte de précarité alimentaire qui va en s’aggravant, le
gouvernement devrait revaloriser le statut de leur établissement pour
qu’il joue son plein rôle.
Par cette initiative, les deux scientifiques rappellent tous les
prêcheurs du désert qui foisonnent dans le pays et qui essayent, avec
une obstination de missionnaires, de convaincre les dirigeants qu’il est
possible de bien faire. De telles entreprises, comme Care, pour le
développement de l’entreprise, par exemple, suscitent à la fois
admiration et exaspération. Admiration parce qu’il faut une forte dose
d’optimisme pour s’attaquer au mur de mépris qui protège le pouvoir des
alertes contre les dangers de ses ruineuses politiques et exaspération
parce qu’il y a une part de comédie à faire semblant d’interpeller une
autorité qui pourrait écouter en s’adressant à un pouvoir dont l’autisme
est avéré. Ces “lanceurs d’alertes” académiques, on en rencontre dans
tous les secteurs : économie, santé, éducation, environnement,
urbanisme, sport… Un peu comme les chroniqueurs ou comme les pratiquants
de “la fenêtre du vent”, ils ne se lassent pas de se remettre à
l’ouvrage, malgré la vanité de leurs suppliques.
Il y a divergence de préoccupation. Ces experts et autres think tanks
prêchent dans le désert pour un pouvoir autocentré qui ne se préoccupe
que de sa pérennité. Rien à voir avec le souci des conditions de vie de
la population dans la durée. Ce qui intéresse le pouvoir, et sa pratique
de la gestion des ressources et leur allocation le montrent clairement,
c’est de nous faire taire au présent. Comme nous apprécions nos
dirigeants sur les effets à court terme de leur politique, nous leur
facilitons la tâche : on veut du pain, du lait, de l’huile et du sucre
pas chers maintenant. Et si possible des logements sociaux et des
crédits sans intérêts. Même la retraite, on la veut maintenant. Comme
Keynes, nous pensons qu’“à long terme nous serons tous morts”.
Étrange retour des choses que notre aveuglement nous impose : à force de
subventionner l’abandon de l’agriculture, nous, nous payons notre
alimentation au prix le plus cher. Une agriculture tellement abandonnée
qu’il plane sur nous un risque alimentaire !
Pourtant, on ne peut pas dire que les autorités n’ont pas dépensé pour
ce secteur. Sauf que les fonds distribués n’ont pas servi à la recherche
agronomique : une partie - de la somme affectée au FNDA - a été
détournée à Djelfa (des dizaines de milliards de dinars !) et l’autre a
servi à effacer la dette… des agriculteurs à la veille de l’élection
présidentielle 2009. Dans une gestion réglée par les échéances
“électorales”, le bon terme n’est pas le long terme. Investir dans la
recherche ou la stratégie, c’est perdre du temps et des ressources
tactiques.
Soucieux de sa “stabilité” au jour le jour, il préfère à l’investissement les dépenses à effets -politiques - immédiats.