vendredi 25 septembre 2015

Pesticides interdits sur les salades : «Plusieurs scénarios sont possibles»

Par figaro iconPauline Fréour - le 23/09/2015






INTERVIEW - Jean-Pierre Cravédi, directeur de recherche à l'Institut national de recherche agronomique, décrypte les résultats d'une enquête conduite par Générations Futures sur la présence de pesticides sur des salades de supermarché.
LE FIGARO.- Générations Futures, une association mobilisée contre l'usage de pesticides en agriculture, a publié hier les résultats d'analyses conduites sur 31 salades achetées dans des supermarchés français et produites en France pour la grande majorité, d'où il ressort que certaines présentaient des traces de produits interdits d'usage en France et/ou en Europe. Comment peut-on l'expliquer?
Jean-Pierre CRAVÉDI.- Je n'ai pas la réponse à cette question, mais l'on peut envisager plusieurs scénarios. Les traces de DDT [sur 2 salades, NDLR], un insecticide classé probablement cancérigène par l'OMS et interdit depuis le début des années 1970, peuvent s'expliquer par la longue durée de vie de ce produit. Il est donc possible qu'il soit encore présent dans certains sols, et si c'est le cas, il serait intéressant de retrouver le producteur des salades pour l'en informer.
Le cas des quatre autres produits détectés alors qu'ils sont interdits pour la culture de la salade en France (cyproconazole, imidaclopride, madipropamid, oxadiazon) est différent car la contamination a nécessairement eu lieu dans les jours ou semaines précédant la récolte. Dès lors, deux hypothèses: soit cela résulte d'une utilisation inappropriée de ces produits, qui restent autorisés en France pour d'autres types de culture, par le producteur, soit il s'agit d'une contamination accidentelle après le traitement d'un autre champ, contenant autre chose que des salades, à proximité. Le vent a pu dévier une partie des pulvérisations vers les salades proches.

Est-il possible de débarrasser nos salades de ces produits?

Cela dépend des pesticides: certains restent à la surface du légume, d'autres sont absorbés dans les vaisseaux des végétaux. Certains sont solubles à l'eau, d'autres pas. Dans tous les cas, il est toujours utile de laver sa salade à l'eau car cela permet d'éliminer une partie des pesticides [en plus de certains germes, NDLR].

Quel impact cela peut-il avoir sur la santé du consommateur?

Comme il s'agit de résidus, cela ne va pas mettre en péril la santé des personnes qui les mangent. Il faut souligner que les résidus détectés dans cette étude ne dépassent pas les limites maximales autorisées. Ces LMA sont fixées en plusieurs étapes: d'abord, on évalue sur le rat ou la souris la dose quotidienne que l'animal peut supporter sur deux ans sans développer de pathologies. Ensuite, cette dose est divisée par 100: une première division par 10 par précaution parce que l'on passe de la souris à l'homme et qu'on ignore exactement ce qu'un modèle dit de l'autre, et une deuxième fois par 10 parce que tous les hommes ne sont égaux en termes de vulnérabilité. On déduit de cette «dose journalière admissible» la limite de produit autorisée sur les végétaux, la LMA.

Génération futures relève effectivement qu'aucun prélèvement ne dépasse la limite légale autorisée mais souligne la présence conjointe de plusieurs types de résidus sur chaque salade, ce qui expose à un possible «effet cocktail». Cette mise en garde est-elle justifiée? 

L'effet cocktail, c'est l'idée que deux perturbateurs endocriniens, ces substances qui peuvent bouleverser le fonctionnement de l'organisme en mimant nos hormones, peuvent voir leur toxicité démultipliée lorsqu'ils sont présentés conjointement. Or certains pesticides sont des perturbateurs endocriniens. Cette synergie propre à l'effet cocktail existe bel et bien, mais les expériences réalisées jusqu'à présent montrent qu'elle est rare. Par ailleurs, la démultiplication de la toxicité observé est modérée. L'autre difficulté avec les perturbateurs endocriniens, c'est que l'on ignore lesquels ont un effet délétère. Mais par précaution, on peut porter une attention particulière aux populations les plus vulnérables, à savoir les jeunes enfants et les femmes enceintes.

Source:  http://sante.lefigaro.fr/actualite/2015/09/23/24142-pesticides-interdits-sur-salades-plusieurs-scenarios-sont-possibles

 

mercredi 16 septembre 2015

Comment le climat va changer la vigne

Frank Niedercorn / Journaliste |

Le changement climatique concerne déjà les vignerons, qui vont devoir s'adapter, par exemple en changeant de cépages. Faute de quoi leur vin risque de ne plus trouver d'amateurs. 

 
A quoi ressemblera le vignoble français et européen à l'horizon 2050 ? Il y a deux ans, dans un article retentissant, des scientifiques américains avaient alarmé les professionnels du vin. Ils démontraient que, d'ici à cette date, en raison du changement climatique, les surfaces adaptées à la culture de la vigne allaient fondre comme neige au soleil, reculant de 25 % à 75 % dans les neuf grandes régions de production mondiales. Piqués au vif, leurs homologues européens, et notamment français, critiquèrent « une vision alarmiste » et des erreurs méthodologiques. « Nos confrères oubliaient surtout que la viticulture a toujours eu l'habitude de s'adapter », résume Nathalie Ollat, ingénieur de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) de Bordeaux.
S'adapter : c'est l'enjeu du projet Laccave (« long term impact and adaptation to climate change in viticulture and oenology »), qui regroupe 23 laboratoires et équipes de différentes disciplines. L'une d'elles, associée à France Agrimer et à l'Inao (Institut national de l'origine et de la qualité), s'est lancée dans un exercice de prospective, envisageant quatre scénarios à l'horizon 2050. « Cette période est charnière. On sait que, d'ici là, la température moyenne devrait augmenter de 1 à 2 degrés. Au-delà, nous pouvons aller vers une stabilisation si nous réduisons très vite nos émissions de gaz à effet de serre. Sinon l'augmentation des températures continuera », résume Jean-Marc Touzard, spécialiste de l'économie de l'innovation à l'Inra de Montpellier.
Si ces scientifiques n'ont pas encore terminé leurs travaux, ils ont déjà posé leurs hypothèses. Le premier scénario est celui de l'inaction. Avec, à l'arrivée, une possible multiplication des maladies, des vignes souffrant du manque d'eau, une dramatique baisse des rendements et une forte évolution de la qualité. « Ce scénario nous semble toutefois peu probable, justement parce que le monde la viticulture a toujours su s'adapter », note Jean-Marc Touzard.

Des vignobles « nomades » ?

Un autre scénario, lui aussi très radical, envisage une libéralisation totale du secteur de la viticulture mondiale qui se rapprocherait « un peu du marché de la bière ». Un monde du « tout est permis », dans lequel les appellations d'origine auraient volé en éclats, le marketing primerait et de grands opérateurs s'approvisionneraient en raisins en fonction de leurs besoins.
Encore plus iconoclaste, le troisième scénario imagine des vignobles « nomades » : les terroirs existeraient, mais ils auraient une durée de vie temporaire - quelques dizaines d'années -, le temps de profiter d'un climat et de conditions favorables. 

Les scientifiques du projet Laccave privilégient un dernier scénario : en 2050, les grands vignobles seront toujours là, mais se sont adaptés grâce à l'innovation. Car les moyens de se préparer existent, et les vignerons utilisent déjà des parades. « Il y a quelques années, on effeuillait la vigne pour la faire profiter du soleil. Aujourd'hui, on fait plutôt l'inverse, en cherchant à la protéger », explique Stéphane Toutoundji, oenologue conseil et cofondateur du cabinet OEno Team.
Il faudra aller plus loin, par exemple en exploitant à fond la connaissance de chaque terroir. « Sur une appellation, et même sur une propriété, les différences moyennes de température peuvent aller jusqu'à 1 ou 2 degrés. Cela correspond à la variation due au changement climatique », explique Hervé Quénol, du laboratoire de climatologie de l'université de Rennes. Dans le cadre du projet européen Adviclim, plusieurs vignobles (Navarre, Roumanie, Rhin, Val de Loire, Saint-Emilion) ont ainsi été parsemés de réseaux de capteurs de température, afin de diagnostiquer à une échelle très fine les évolutions climatiques.
Plutôt que l'irrigation, vue comme une solution « ultime », la solution pourrait venir de la génétique, avec de nouvelles variétés mûrissant plus lentement, plus résistantes à la chaleur et aux maladies. « En parallèle, le principal enjeu est de faire diminuer les traitements phytosanitaires », insiste Nathalie Ollat. On peut également faire confiance à des cépages déjà existants, mieux adaptés à un climat qui se réchauffe. Ce sera compliqué en Bourgogne, où l'on ne cultive que le pinot noir. Moins en Languedoc-Roussillon et surtout à Bordeaux, où l'assemblage de différents cépages est une pratique aussi ancienne que le vignoble.
A travers le projet Vitadapt, l'Inra étudie ainsi 52 cépages différents plantés sur une seule et même parcelle. Une première mondiale. Les résultats sont prometteurs et permettraient de trouver une alternative au plus célèbre cépage bordelais : le merlot, qui occupe plus de 60 % du vignoble, est réputé pour ses arômes fruités, mais aussi pour sa capacité à mûrir de façon précoce. Un sérieux handicap pour les années à venir. La solution pourrait être locale, avec par exemple le petit verdot, un cépage régional peu utilisé, prédit Kees Van Leeuwen, professeur de viticulture à l'université de Bordeaux, qui supervise le projet Vitadapt : « Il combine les qualités gustatives du cabernet sauvignon et du merlot tout en arrivant plus tard à maturité. » Même chose pour les blancs avec le cépage colombard, qui pourrait fournir une alternative au sauvignon blanc. 

Et ensuite ? Au-delà de 2040, la région de Bordeaux pourrait alors faire les yeux doux à l'un des multiples cépages portugais, estime les scientifiques. Le pays offre en effet un climat océanique similaire, mais plus chaud de quelques degrés. Autour de 2050, le touriga nacional pourrait, par exemple, avoir remplacé le merlot sur nombre de parcelles. A cette époque, la carte de la viticulture française aura considérablement évolué, prédit Jean-Marc Touzard : « Les grands vignobles seront toujours là, mais on verra des initiatives locales se multiplier. Je ne serais pas étonné de voir des vignes en Bretagne, dans le Nord ou en altitude. Et pourquoi pas en ville. » Même chose au niveau mondial. Des vignobles apparaîtront dans les régions du Nord. Certains prédisent même que l'actuel vignoble anglais deviendrait un paradis du vin effervescent.

Source: http://www.lesechos.fr/journal20150915/lec1_idees_et_debats/021314307667-comment-le-climat-va-changer-la-vigne-1155568.php



1er Séminaire International sur la BIODIVERSITÉ ET GESTION DES RESSOURCES NATURELLES « Passé, Présent et Futur »

 19– 21 Avril 2016  à Souk Ahras




Site web de l’évènement:


 

mercredi 9 septembre 2015

Parution d'un guide pour concevoir des vergers "écophyto"

Agriculture  |    |  Déborah Paquet

Le groupement d'intérêt scientifique (GIS) fruits a publié, en partenariat avec l'Institut national de recherche agronomique (Inra), un guide de conception de vergers économes en produits phytosanitaires. Ce guide "Ecophyto fruits" s'inscrit dans le cadre du plan national Ecophyto qui vise à réduire l'usage de produits chimiques dans l'agriculture.

Ce guide pratique à destination des producteurs et de leurs conseillers propose une démarche méthodologique et des ressources pour concevoir des systèmes de culture innovants répondant aux enjeux de "Produire autrement", annonce le GIS fruits. Il a pour objectif d'aider à la réflexion lors d'ateliers de reconception des stratégies de protection des vergers, et d'être support pédagogique pour des formations initiales et continues, tout en prenant en compte les objectifs de production et les contraintes de l'exploitation.
Le contenu est issu du travail d'une vingtaine d'experts scientifiques et techniques. Les spécificités des différentes espèces fruitières cultivées en France métropolitaine ont été étudiées. Ce guide est accompagné de fiches techniques sur la gestion des bio-agresseurs, telles que le paillage sur le rang, le désherbage mécanique, le lâcher d'auxiliaires ou la confusion sexuelle. Neuf fiches support complètent le tout. Elles traitent notamment du diagnostic de système de culture initial et des indicateurs d'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Des exemples de fiches permettent de comprendre le fonctionnement de ces outils, qu'il s'agisse de l'amélioration d'un verger existant ou de la création d'un nouveau.

Pour rappel, les vergers et notamment la pomiculture sont montrés du doigt pour leur fort recours aux produits chimiques pour traiter les cultures. Le GIS a ainsi lancé en 2014 le projet Sustain'apple, pour sensibiliser les entreprises françaises à la gestion durable des risques sanitaires et phytosanitaires à tous les échelons de la filière pomme.

Source:  http://www.actu-environnement.com/ae/news/