Publié le 13/12/2015
Dix pays de la région occidentale de l'Afrique, dont l'Algérie, ont
renforcé leur dispositif de surveillance et d'intervention face à une
éventuelle invasion acridienne, les conditions étant favorables à la
multiplication du criquet pèlerin.
"Actuellement la situation est calme, mais il y a des conditions qui
nous exigent d'être vigilants et de suivre de plus près l'évolution des
circonstances", a avisé le secrétaire exécutif de la Commission de lutte
contre le criquet pèlerin dans la région occidentale (Clcpro), Mohamed
Lemine Hamouny, lors d'une rencontre avec la presse maghrébine
organisée récemment à Tunis par l'Organisation des Nations unies pour
l'alimentation et l'Agriculture (FAO).
Les pluies exceptionnelles enregistrées cette année au nord-ouest de
l'Afrique et même en Corne de l'Afrique et au Yémen ont créé des
conditions favorables à la multiplication du criquet. De vastes zones du
nord de la Mauritanie et des zones adjacentes de l'ouest de l'Algérie,
du Sahara occidental, du sud-ouest de la Libye et du sud du Maroc, ont
reçu des précipitations exceptionnelles en octobre. Ces pays sont
appelés à accroître leur vigilance entre janvier et mai 2016,
recommande pour sa part la FAO.
Face à ces conditions propices à une invasion acridienne, les pays de
la Clcpro vont multiplier leur dispositif de surveillance, d'alerte et
d'intervention, alors que certains d'entre eux disposent de centres
performants comme l'Algérie et la Mauritanie où les équipes de lutte
anti-acridienne sont déjà prêtes à réagir, assure M. Hamouny.
L'Algérie a mobilisé quatre équipes supplémentaires basées au sud ouest
du pays, tandis que la Mauritanie a multiplié ses effectifs au moins
par trois en mobilisant 12 équipes.
Quant à la FAO, elle a mis en place un mécanisme pouvant offrir l'appui
nécessaire au pays membres de la commission. "La situation est très
propice pour le développement de l'activité acridienne, mais la région
est dotée de moyens plus importants par rapport à 2003 qui avait connu
une importante invasion", selon ce fonctionnaire onusien.
La Clcpro, dont le siège est à Alger, a tenu récemment une réunion à
Nouakchott pour étudier le plan de lutte antiacridienne de la Mauritanie
qui connaît plusieurs saisons de reproduction alors que les pluies
qu'elle a enregistrées durant la dernière saison ont favorisé des
reproductions acridiennes depuis plusieurs semaines.
En outre, ce pays n'est pas loin de pays sahéliens dont certaines
zones présentent des risques sécuritaires et où les actions de lutte
anti-acridienne sont, donc, impossibles, laissant les criquets
prospérer.
Privilégier la lutte préventive
"Le risque d'invasion n'aura pas lieu d'ici à janvier. A partir de ce
mois là, il se peut que la situation continue telle qu'elle est
maintenant, comme nous pouvons avoir des surprises", prévient M.
Hamouny. Durant les six prochains mois (de janvier à mai 2016), une
période pendant laquelle le criquet donnera naissance à trois
générations d'essaims, les pays continueront la prospection, le
traitement et procèderont à une évaluation bimensuelle de la situation.
La démarche des équipes de lutte antiacridienne consiste à traiter les
foyers de grégarisation des criquets (vivant côte à côte en groupes
nombreux) sur des superficies restreintes, afin d'éviter que ces
insectes ne se développent. C'est l'objectif de la lutte préventive que
prône la FAO en partenariat avec les pays concernés par ce phénomène.
Suite aux invasions de 2003 et de 2005, la FAO et les pays de la région
occidentale (Algérie, Mauritanie, Maroc, Tunisie, Libye, Niger, Mali,
Burkina Faso, Tchad et Sénégal) ont mis en place un programme de
prévention basé sur l'alerte précoce, l'intervention rapide et la
recherche appliquée tout en utilisant des quantités réduites de
pesticides, sachant que 12 millions de litres de pesticides avaient été
utilisés durant ces deux années.
Lors de cette invasion, les pays du Sahel, notamment la Mauritanie et
le Burkina Faso, ont perdu environ 90% de leurs récoltes, alors que ceux
du Maghreb ont dû utiliser des quantités importantes de pesticides
pour empêcher les essaims d'envahir les zones de cultures, ce qui a
affecté durement l'environnement.
Le coût de l'inaction
En Mauritanie, un nombre de 1,3 million de personnes ont été touchées
par l'invasion de 2003, contre un (1) million au Mali et 500.000 au
Burkina Faso. Outre les conséquences socio-économiques, l'invasion a
aussi engendré des dépenses faramineuses en raison des lenteurs des
bailleurs de fonds à mobiliser l'argent au moment opportun.
"Au début de 2003, la FAO a demandé un (1) million de dollars, mais la
réponse tardive de ses partenaires a fait augmenter les dépenses
jusqu'à 570 millions de dollars à la fin de la campagne de lutte en
2005", déplore M. Hamouny. En plus de ces dépenses, les pays ont
utilisé 12 millions de litres de pesticides sans compter l'impact
économique et environnemental de cette invasion.
"Le criquet pèlerin est un ravageur vorace qui ne peut pas attendre que
nous prenions des décisions. Il faut agir très vite en privilégiant la
prévention", souligne cet expert onusien. Un seul criquet peut consommer
deux (2) grammes de végétation fraîche par jour et un essaim de
criquets est capable de manger l'équivalent de ce que consomment 35.000
personnes/jour.
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