vendredi 10 juillet 2015

La course mortelle entre les espèces et le réchauffement climatique

Loïc Chauveau

 A la Conférence internationale sur le changement climatique à l’Unesco, les écologues s’inquiètent du devenir de nombreuses animales et végétales qui auront bien du mal à supporter le réchauffement climatique.

 Un spécimen de papillon empereur. © ARDEA/MARY EVANS/SIPA


Le daté juillet 2015 de Sciences et Avenir (numéro 821, voir encadré à la fin de cette page) fait sa couverture sur les impacts du changement climatique en France. Nous y publions plusieurs cartes, dont celle de la remontée des espèces de poissons, papillons, oiseaux et chenilles processionnaires. Camille Parmesan est connue pour être la première écologue à avoir démontré que les espèces étaient en train de changer d’habitat en réponse au changement climatique. La chercheuse qui vient de quitter l’université du Texas pour celle de Plymouth (Angleterre) "parce qu’en Europe on consacre plus de moyens à la recherche sur le climat", est venu faire la synthèse des plus grandes études menées sur la question dans le monde devant l’assemblée des scientifiques réunis cette semaine à l’Unesco pour "Notre avenir commun face au changement climatique". Et les nouvelles de la nature ne sont pas bonnes.
"Sur 4000 espèces étudiées sur terre et dans les océans, la moitié a modifié son habitat ou son aire de répartition, les 2/3 ont changé de mode de vie et de 82 à 92% ont montré au moins une réaction cohérente avec une hausse des températures" a résumé Camille Parmesan. Dans les océans, les mouvements sont en moyenne de 75 km par décennie, soit plus rapides que sur terre, car il y est plus facile pour les organismes vivants de retrouver des eaux plus fraîches. Le phytoplancton détient le record avec un déplacement vers le nord de 400 kilomètres par décennie. Un poisson emblématique comme la morue migre de 200 kilomètres dans le même laps de temps. Conséquence : les effets du réchauffement climatique seront faibles dans l’Arctique, modéré à nos latitudes tempérées, fortes dans les tropiques. "Dans une eau plus chaude et plus acide, les récifs coralliens auront bien du mal à continuer de fixer le carbone de l’atmosphère et à servir de nourrisserie pour les poissons brouteurs, a prévenu Paul Leadley, chercheur à l’université Paris-Sud. Il faut s’attendre à de graves difficultés pour la pêche tropicale qui est une source essentielle de nourriture pour les pays du sud". Aujourd’hui capteurs nets de carbone atmosphérique, les récifs coralliens pourraient devenir émetteurs dès 2030.

Une adaptation plus difficile sur les continents

Sur terre, les déplacements sont bien plus lents, et l’adaptation des espèces est donc bien plus difficile, alors que le réchauffement y est plus important. Le papillon empereur vient cependant de faire une colonisation rapide et spectaculaire de tout le sud de la Scandinavie où il était encore inconnu à la fin du 20e siècle. En revanche, les espèces vivant sur les reliefs montagneux vont voir leurs aires de répartition fondre. Ainsi, en France, le papillon Apollon a disparu de toutes les zones inférieures à 1000 mètres. "Un autre risque rencontré par les espèces terrestres, c’est de se désynchroniser avec la vie de ses proies et de son habitat" note également Camille Parmesan. Ainsi, les oiseaux migrateurs calent leurs départs sur la longueur du jour tandis que les insectes dont ils se repaissent à leur arrivée dépendent des températures printanières. Comme celles-ci sont de plus en plus précoces, on constate déjà des différences de date entre l’éclosion des insectes et l’arrivée des oiseaux. En général, aucune espèce terrestre ne peut se déplacer plus vite que la hausse des températures et donc l’anticiper comme arrivent encore à le faire les animaux marins. Est-ce que le réchauffement climatique est cause d’une extinction rapide des espèces ? Ce n’est vraisemblablement pas la seule cause, estiment les écologues. La destruction des habitats, l’expansion des espèces invasives, la dégradation des sols et la pollution de l’eau et de l’air y contribuent également. A l’Unesco cette semaine, on ne mettait en tout cas pas en doute le travail paru dans Science en juin 2015 montrant que le taux de disparition des mammifères au cours du 20e siècle a été 100 fois plus élevé que dans les siècles précédents.

Source:  http://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/20150708.OBS2321/la-course-mortelle-entre-les-especes-et-le-rechauffement-climatique.html



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